vendredi 14 septembre 2007

Pouvoir d'achat

Article : 6 sept 2007 (source : "humanité.fr")

Pouvoir d’achat de la posture à l’imposture
Vie chère . Du SMIC à l’allocation de rentrée scolaire, le chef de l’État avait promis de répondre aux attentes des Français. Seules les grandes fortunes ont été servies.
« Expliquer qu’il n’y a pas de problème de pouvoir d’achat en France, c’est se moquer du monde », s’exclamait, jeudi dernier, avec cet accent de vertu blessée dont il est coutumier, le chef de l’État devant l’université d’été du MEDEF. Le lendemain, histoire de se montrer bien « à l’écoute » de ses concitoyens en butte à la hausse des prix, il visitait un centre commercial de la région parisienne. Comme il l’avait fait, avec un succès certain auprès des électeurs, pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy brandit à nouveau le drapeau de la lutte contre la vie chère. Il sait la question ultra-sensible. Le pouvoir d’achat occupe la première place des préoccupations des Français en cette rentrée. Et c’est sur ce sujet qu’ils expriment la plus forte insatisfaction (près de 70 % selon les sondages) à l’égard du nouvel hôte de l’Élysée. Comme si tous ses efforts de communication commençaient à buter sur l’épreuve de vérité, celle des actes. Voilà plus de cent jours qu’il tient les commandes de l’État et - répète sur tous les tons sa - détermination à « tout changer ». Or, le hiatus entre paroles et décisions devient de plus en plus difficile à camoufler. Ces quatre mois d’hyper-présidence se caractérisent en effet, s’agissant du pouvoir d’achat, par une série d’occasions délibérément manquées.

Pas de coup de pouce au SMIC…

Ce fut, le 1er juillet, le refus de donner le moindre « coup de pouce » au salaire minimum, qui aurait pu rendre un peu moins compliquées les fins de mois de 2,5 millions d’hommes et de femmes - ceux-là mêmes qui avaient les honneurs des discours électoraux du candidat Sarkozy au titre de la France « qui se lève tôt, travaille dur ». Relevé du strict minimum légal, le SMIC dépasse aujourd’hui à peine les 1 000 euros, net par mois.

… ni pour l’allocation

des handicapés

La date du 1er juillet était aussi très attendue par les handicapés. Le chef de l’État ne s’était-il pas solennellement engagé à « revaloriser » l’allocation adulte handicapé (AAH), d’un montant de 621,27 euros, qui, disait-il, ne « permet pas de vivre - décemment », « n’atteint même pas le seuil de pauvreté » ? Finalement, le ministre du Travail, Xavier Bertrand, a fait savoir que ses 800 000 bénéficiaires devront attendre « vraisemblablement » le 1er janvier 2008. De même, la « garantie de ressources », créée en 2005, versée en complément de l’AAH, et qui avait jusqu’ici été revalorisée au 1er juillet, n’a pas été augmentée d’un centime.

4 euros de plus pour la rentrée scolaire

Autre rendez-vous raté, celui de la rentrée et de l’allocation de rentrée scolaire (ARS), versée à près de 3 millions de familles à revenus modestes : pas de coup de pouce, là non plus, une simple augmentation en ligne avec l’inflation, qui porte l’ARS à 272,57 euros par enfant, soit 4,56 euros de plus que l’an dernier. Autant de leviers entre les mains du gouvernement pour modifier la donne du pouvoir d’achat, qu’il a donc sciemment refusé d’actionner. Ce n’est pas tout.

Fin de non-recevoir pour les fonctionnaires

Les cinq millions de fonctionnaires, dont le pouvoir d’achat a baissé de 6 % depuis 2000, étaient en droit d’attendre un début de concrétisation du discours sarkozyen sur la « valeur travail » qu’il faudrait mieux « récompenser ». Or, en dépit des demandes répétées des huit fédérations syndicales de la fonction publique, le ministre de tutelle n’a toujours pas daigné annoncer l’ouverture d’une négociation. Les agents de l’État devraient ronger leur frein et se contenter de la vague promesse d’une revalorisation de leur rémunération en contrepartie de la suppression de milliers de postes. Sans trop en attendre tout de même, car, selon des estimations faites par les syndicats, cet amer « donnant-donnant » se solderait par une hausse royale de… 0,25 % sur la feuille de paye.

Privé : au bon vouloir des patrons

Quant aux 16 millions de salariés du privé, ils devraient s’en remettre à la théorie du « gagner plus en travaillant plus » et tout espérer de la défiscalisation des heures supplémentaires, votée par le Parlement en juillet, et applicable le mois prochain. Un calcul très aléatoire comme l’ont montré les syndicats et nombre d’économistes, les heures sup relevant du bon vouloir patronal. Le chef de l’État ne l’ignore certainement pas, lui qui, jeudi dernier, s’est cru obligé de lancer un appel devant les membres du MEDEF à « faire un effort pour les salaires chaque fois que c’est possible » et respecter l’obligation de négocier chaque année sur le sujet. Rien, là, de nature à faire trembler les barons du CAC 40 et leur obsession de satisfaire la haute finance… Le gouvernement aurait pourtant un bon moyen d’infléchir leur choix : les quelque 23 milliards d’euros distribués annuellement par les pouvoirs publics aux entreprises sous formes d’allègements de charges, sans véritable contrepartie. Et si, en guise de vraie « rupture », les pouvoirs publics conditionnaient l’octroi de cette manne à l’ouverture de négociations salariales et à une clause de progrès des rémunérations ? Cela ne figure pas sur l’agenda, pourtant chargé en « réformes », du chef de - l’État…

Bingo pour

les plus fortunés

En réalité, une seule catégorie d’individus a tout lieu de se féliciter de l’action du président en matière de pouvoir d’achat : la petite minorité des bénéficiaires des grandes largesses contenues dans le « paquet fiscal », et qui concernent les plus fortunés des contribuables (bouclier fiscal à 50 %, sup- pression de fait de l’ISF, - exonération des droits de succession, etc.). Pour ceux-là, Sarkozy a déjà fait un chèque de quelque 6 milliards d’euros, tiré sur le compte de finances publiques lourdement déficitaires…

En attendant

la TVA « sociale »

Refusant, au fond, de modifier la situation des salaires, le chef de l’État tente de faire illusion en braquant les projecteurs sur la hausse, bien réelle, des prix. Mais, d’une part, les moyens d’action envisagés sont, pour le moins, sujets à caution : avec la fin annoncée de la loi Galland, la grande distribution contiendra peut-être la valse des étiquettes, mais au prix fort, - notamment pour les agriculteurs. D’autre part, le président ignore d’autres postes du budget des ménages, pesant bien plus lourd que l’alimentation, et qui ont connu de fortes poussées tarifaires : loyers, transports, énergie notamment. Si l’on ajoute au tableau la perspective de l’instauration de franchises médicales et de la TVA « sociale », la posture de Sarkozy en croisé du pouvoir d’achat apparaît pour ce qu’elle est : une imposture.

Yves Housson

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